Confessions d'une sardine qui rêvait d'être un poisson volant

Publié le par Fée tes valises :D

Confessions d'une sardine qui rêvait d'être un poisson volant

C'est certainement pour ça que je suis venue ici la toute première fois: trouver cet espace, ces pages blanches (plutôt très ergonomiques) pour exprimer un peu comme je pouvais, un peu comme j'y parvenais, toutes ces choses étranges qui élastiquaient systématiquement ma conscience et qui comprimaient autant ma petite tête depuis l'intérieur. Il y avait tant et tant de choses enfermées sous mon crâne, oh bon sang, comment même est il possible d'en avoir autant? C'était si inconfortable d'avoir cette sensation que ma cervelle avait besoin de s'expandre mais que les limites physiques de ma boite crânienne l'en empêchaient.
J'ai fait comme j'ai pu... j'ai dit pèle mêle, dans le sens qui se dessinait au fur et à mesure que j'avançais, ce que je parvenais à exprimer. Je sais bien que tout n'était pas clairement cohérent pour le lecteur, mais c'était mon blog après tout, et puis j'avais d'emblée prévenu que c'était psychotordu!

Nous voici longtemps plus tard, et même si je suis loin d'avoir craqué tous les codes, j'y vois certainement bien plus clair pour comprendre ce qui a motivé mon ébranlement. Passer d'un état à un autre et ne pas se contenter d'y accéder avec ma tête, je voulais surtout l'incarner, le faire mien dans la matière, pouvoir l'utiliser...

Je vivais dans un monde où parler d'éveil spirituel décrédibilisait d'entrée de jeu tout ce que j'allais tenter de dire. Comme si pour moi c'était facile de trouver les bons mots, ceux qui pourraient faire "mouche" et me faire assez confiance pour n'en contenir aucun. Parler librement, exprimer cette sourde vérité indicible... indicible car chaque fois que j'en exprimais un bout... il était impossible d'en donner en quelques phrases l'essentiel. Parce qu'il était impossible de tout exprimer en même temps et que la prise de conscience qu'il me fallait intégrer ne pouvait s'appréhender sans s'affranchir à la fois de l'espace et du temps. Il n'y avait pas de ligne conductrice, et les évènements, au delà de se succéder les uns aux autres, semblaient se répondre entre eux à mesure de mes pas. Et si tout était lié au delà de l'évidence, je n'avais pas de preuves pour corroborer mes intuitions si tenaces.

Comment exposer un système lorsqu'il faut d'abord définir chacun des termes qu'il nous faudra par la suite utiliser pour dérouler la moindre de nos suppositions? Comment faire fi de toutes les pluies d'objections, sans cesse, alors que la lutte demeure entière pour se faire assez confiance soi même? Il aurait fallu que l'histoire puisse être linéaire et qu'elle n'ait besoin de rien d'autre que les évènements qui la concernent directement pour livrer sans l'ombre d'un doute son sens. Mais le flux de la vie ne se déroule pas forcément comme on le souhaite tant qu'on ne sait pas se saisir des mécanismes qui le sous-tendent. J'étais alors si loin de vibrer correctement!

Cette enquête, elle a obnubilé mon être, dans son intégralité et je crois qu'aucune parcelle n'a pu y échapper. Il a fallu que je comprenne, pour moi, ce qui avait pu se passer. L'éveil spirituel n'explique hélas pas tout, ça serait trop simple. Il y a bien cette présence qui dépasse de loin mon propre esprit, qui ravive une à une les mémoires de mon âme, qui s'étend par delà l'éternité. Que je le veuille ou non, je suis un chemin, celui qui ouvre la vanne de vieux souvenirs, et qui éclaire tous les sentiers que j'ai eu à arpenter sans conscience au moment d'y poser les pieds.

C'est depuis ici que je parle, depuis cet endroit dans lequel j'ai rassemblé un sacré paquet de souvenirs. Et ces souvenirs m'ont ramenée sur le chemin que je n'aurais jamais du quitter, mais en lequel il m'était impossible d'avoir la foi, seule contre tous. Les chemins que voudraient emprunter les enfants ne sont jamais réellement pris au sérieux par les grands qui les dissuadent autant qu'ils peuvent de s'orienter seulement par eux mêmes, d'écouter les conseils et les avis de ceux qui sont déjà passés avant eux. Si mes parents avaient été des gens moins intègres qu'ils ne l'étaient, je ne les aurais peut être jamais écoutés, mais je savais qu'ils ne voulaient que mon bien, qu'ils m'aimaient et que jamais ils n'auraient voulu me tromper... si seulement eux mêmes avaient su qu'ils avaient été sacrément dupés, ils me l'auraient surement dit, ils m'en auraient prémunis. Ils me disaient de devenir moi même, mais dans un cadre pré défini. Ce cadre n'a jamais été le mien!

Il a donc fallu que je retrouve mon cadre, celui vers lequel je pourrais marcher en me sentant à la bonne place, ne pas avoir cette impression de toujours être à côté. Ici me parait bien y correspondre, en tout cas pour le moment, pour me donner le temps nécessaire à parfaire la transformation. Revenir à moi... à moi sans l'influence de qui que ce soit. Quelle ambition! Au delà d'une ambition, je sais bien maintenant que c'est la condition nécessaire au bon équilibre de tout un chacun.

Aller vers soi, c'est forcément quitter le chemin collectif, celui qui fait consensus. Je crois que rien n'est en réalité aussi difficile. On nous parle d'épanouissement, mais comment s'épanouir si la terre dans laquelle on tente de croitre ne contient pas les bons éléments nutritifs, si nous sommes en carence de ce dont nous avons besoin pour grandir correctement? Car effectivement, nous arrivons tout neuf dans un monde qui existe avant nous et dans lequel nous allons devoir apprendre à grandir... mais pour peu que ce monde, au lieu de nous nourrir, nous façonne, nous demande de pousser dans un sens qui ne nous est absolument pas naturel... qui devenons nous? Je me suis tellement sentie contrainte de pousser dans un sens qui n'était pas le mien, à devoir me plier à la direction générale, alors que je me sentais appelée par cette lumière bien moins artificielle que celle sous laquelle on m'a proposé de m'épanouir.

Il m'a fallu si longtemps pour comprendre que tout ne serait que lutte tant que je ne retrouverais pas cet espace dans lequel je pourrais me sentir libre d'en explorer la dimension et qu'il me faudrait incarner la posture qui me permette de m'engager sans entrave dans cette direction, même si elle m'oriente sur un chemin solitaire qui échappe nécessairement à la compréhension.
Cet espace, j'ai mis du temps à y revenir, à me saisir de tous les indices, les signes et les synchronicités qui m'orienteraient vers lui. Et puis un jour, il y a peu, j'ai su que mon corps et mon âme, conjointement, y étaient enfin bien posés dessus. C'était ici, j'ai reconnu ses couleurs et ses énergies, et j'ai vu s'y superposer ces images que j'avais toujours eu dans certaines des parcelles obscures de ma mémoire, auxquelles me permettait d'avoir accès les souvenirs de ma conscience d'enfant. Je devais être enfin arrivée au bon endroit, celui qui me permettrait d'éprouver la liberté d'être qui je suis pour de vrai.

Il fallait bien arriver ici pour que tout s'assemble enfin.
Il fallait bien que je puisse retrouver cet espace dans lequel je pourrais contempler l'immensité sans limite de ma vie et m'en saisir à pleines mains pour tisser le futur de ces fils solides, indestructibles. Et me voilà à remonter mes manches, à prendre à bras le corps mon réel pour qu'il se transforme enfin, révélant le chemin, le sens qui réoriente toutes mes errances.
Ici, chez moi, dans cet espace là, il est de ma responsabilité d'y incarner ces codes, ces évidences qui n'apparaissent pas aux premiers abords, car elles ont été gommées par des siècles et des siècles de matérialisation artificielle des éléments du décor. Entre le monde et moi, la vérité et moi, il y a la matière: ce concentré d'énergie si dense qu'il nous est permis de le voir, et finalement de l'oublier tel qu'il est réellement. L'artifice de nos activités manuelles, intellectuelles... nous a permis d'inventer un monde et de vivre ou survivre, en perpétuant son illusion, en la transmettant. La culture se tartine sur un toast qui n'existe pas, elle repose sur du vide qu'on tente de remplir par touches de couleur, mais le vide est pourtant tellement plein, même si on ne le voit pas. Ces énergies qui nous précèdent et nous survivrons, que la matière le veuille ou non, elles circulent malgré tout et rien ne pourra empêcher, jamais, leur circulation.

Nos petites consciences étriquées et sûres d'elles mêmes ne s'en rendent même pas compte. Elles attendent sans doute des preuves irréfutables de la science qui soient transposables à notre échelle. Nos yeux ne voient rien, alors il faut qu'on s'en fabrique d'autres, des microscopes, des télescopes pour voir en infiniment petit, comme en infiniment grand: dépasser les limites de notre propre matérialisation!
Un jour, bientôt, la vérité nous jaillira à la figure et nous ne pourrons que clairement la contempler... mais au lieu d'ouvrir nos yeux par tous les moyens technologiques possibles, nous aurions à gagner d'ouvrir les yeux de notre conscience, de l'énergie primordiale qui circule en nous, celle qui connait déjà tout. Peut être qu'il n'y a pas à se priver de son corps, ni de ses sens, mais de faire en sorte d'évacuer le plus grande partie des illusions du décor. Evacuer la "culture" des hommes, retrouver sa Nature, la Nature. La condition sine qua non...

Je peux vouloir moi, eux, ils ne veulent pas, je sais que ça leur fait peur, je sais qu'ils ne comprennent pas. Alors que pour moi, ici permet cette dissolution de manière si confortable, je ne comprends pas comment pour eux les choses ne se passent pas comme ça. Je ne comprends pas pourquoi ils arrivent ici campés sur leurs amères certitudes, ils ont beau savoir que ça ne fonctionne pas, que tout est d'avance voué inexorablement au plus lamentable des échecs cuisants mais pourtant, ils s'y raccrochent comme si leur survie en dépendait réellement. Ils arrivent épuisés, lasses de combattre contre le néant, contre leur propre engloutissement, ils trainent derrière eux ces si lourdes valises. Ils pourraient si facilement les déposer là bas, au bord de la "grande route", juste avant d'emprunter ce chemin de terre et accepter de contempler la réalité de la vie.
Je sais bien qu'ils n'en ont même pas conscience, je sais bien qu'ils ont aussi peur que moi je n'avais avant, qu'ils n'espèrent qu'avoir un peu d'espoir, de le dégoter quelque part, ils ont tant et tant de pièces à convictions pour vouloir me prouver que leurs inquiétudes sont fondées, qu'il y a bien tant de coupables à condamner. Ils ne comprennent pas que je n'ai pas l'intention de les écouter, j'entends bien ce qu'ils me disent, mais je ne l'ai que trop fait et je suis convaincue que de tout ça, il n'y a plus rien à dire, plus rien. Sur ce chemin ci, tout ce qu'il y aurait à dire ne pourrait qu'accentuer la face sombre qui nous conduit directement à notre perdition. Et si l'espoir doit revenir c'est en choisissant d'emprunter un tout autre chemin. En venant ici, ils n'ont donc pas conscience que c'est en réalité ce qu'ils viennent profiter de faire.

Ils auraient du déposer les valises. Ils auraient pu les reprendre si elles leur semblaient encore utiles quand ils repartiraient pour retourner dans le monde tel qu'ils l'avaient laissé. Peut être qu'ils seraient parvenus à n'en reprendre que quelques unes, laissant les autres sécher en plein soleil et redevenir vapeur, ou poussière. La matière finit toujours par s'éroder, le temps et les éléments faisant indubitablement leur oeuvre: rien ne disparait, tout se transforme, l'absence comme le vide, sont seulement des illusions.
Sans valise, nous ne sommes pas si démunis que ce que nous pensons, nous avons tant de ressources à notre disposition, nous pêchons seulement par le poids des habitudes, nous arrivons la conscience chargée de codes, de règles qu'on s'est lentement construites jusqu'à les incarner. Nous devenons les règles, sans même se rendre compte de notre acceptation nous emporte dans un courant qui nous éloigne de nous mêmes, alors que rien n'est plus important.

Je me sens bien mieux ici, sur ces terres, sur le territoire de celle que j'ai rejoint, celle que je suis, mais dont je n'avais pas réellement conscience tant que je ne l'osais pas. Il fallait tout réécrire, toute seule, en partant de rien, ou de si peu de certitudes: je ne suis pas dingue et je peux faire confiance à ma raison. Il fallait seulement que j'ose entendre et suivre mes intuitions, la raison pour m'éviter de me bercer d'illusions. Ne me demandez pas d'être une autre, de renoncer à ma foi, si je vous importe, dites vous que c'est tellement plus fluide et cohérent comme ça. Rejoindre mes rêves est tellement plus utile au futur qu'aider quiconque à porter les valises trop lourdes qu'il a encore trop peur de déposer. Elles ont vocation à devenir poussière et quand nous serons mort, de tout ceci, il ne restera plus rien, l'important de cette ère paraitra si insignifiant à ceux qui vivront demain. Au mieux quelques résidus épars, serviront aux vainqueurs, à ceux qui auront tiré les marrons de leur feu, pour écrire le sens de l'histoire, et façonner le futur à leur avantage. Et si les pacifistes parvenaient à le créer avant eux... ?

 

 

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