La complainte de l'espoir

Publié le par Fée tes valises :D

La complainte de l'espoir

La paradoxe de ma vie: je passe mon temps à râler car je suis optimiste. Et d'ailleurs la preuve en est que si jamais je ne râlais pas, c'est que je n'aurais plus foi en l'espoir: je me serais résignée. Rien que l'idée de me résigner me soulève un râle, je le sens monter sourdement depuis mes tréfonds. Mon instinct de survit doit être trop fort, la résignation pour moi équivaut à la mort!

Alors, je tempête, je me débats avec les concepts, je refuse l'apaisement, car je sais que notre avenir en dépend. Et cette affreuse prise de conscience, au lieu de me contraindre à courber l'échine, à fermer les yeux et pencher la tête, m'invite à ne plus me taire. Je râle pour percuter les cervelles. Je comprends qu'il soit difficile d'entendre qu'à travers les lignes, c'est notre vie que je tente de nous rendre. J'ai du mal à me satisfaire du fait qu'on ne s'aperçoive pas vraiment qu'elle ne nous appartient plus. Comme des autruches, nous préférons enfoncer notre tête dans le sable, pour ne pas voir ce qui nous est désagréable, c'est tellement plus facile que de tenter de regarder au loin. Notre attitude me désole tellement que je n'arrive pas à rester stoïque face à ce comportement qui nous victimise. Alors je ressemble à ce petit garçon du conte, qui prévient sans cesse de l'arrivée imminente du loup qui ne pointe pourtant jamais le bout de son nez, jusqu'au jour où il arrive pour de bon mais plus personne ne croit le petit garçon. Le petit garçon était peut être simplement visionnaire, quand il prévenait de l'imminente arrivée du loup, il voulait seulement prévenir de rester sur ses gardes, de ne pas oublier que le danger menace même lorsqu'on se sent en sécurité. Plus que jamais, dans un tel propos, on doit savoir qu'il n'existe aucun risque zéro.

Notre sécurité est seulement éphémère, elle ne dure que le temps durant lequel rien ne vient la troubler. Immédiatement, on pense à protéger son petit derrière, assurer ses arrières. On ne pense pas réellement à ceux qui sont déjà pour X ou Y raison "malmenés" et pour qui se protéger revient à mettre en péril notre sécurité. On ne pense pas à ceux qui quelles que soient leurs raisons sacrifient la sécurité de nos derrières sur l'autel de leur profit. On préfère se convaincre que notre sécurité peut être, quoiqu'il en coûte, préservée. Et ce n'est pas parce que je râle que je ne crois pas que ce puisse être possible, seulement, je ne crois pas que ce le soit comme ça. Ce n'est pas tant pour détruire que je râle, mais au contraire, pour construire. J'espère parvenir à détruire les illusions pour que chacun de nous puisse espérer construire les rêves auxquels il tient. Et aujourd'hui cet espoir m'apparaît bien plus nécessaire que notre désolante résignation. Alors je vous le vends. Je vous le vends contre la promesse que vous le fassiez circuler!

Et malgré le voile qui se pose sur l'évidence, je ne peux faire autrement que de vous livrer mes libres interprétations critiques qui, je sais, dérangent. Elles nous contraignent au moins un temps de sortir notre tête du sable dans lequel on était content de l'avoir enfouie. Que le monde tel qu'on le connait, dans lequel on croit pouvoir vivre en sécurité, est en train de se fissurer, qui d'entre nous peut encore le nier? Et c'est avec effroi que je le redoute, tant que l'espoir n'a pas tissé son filet de secours. Les années à venir risquent d'être difficiles si on refuse de se percevoir comme les précurseurs du monde futur. Si l'ancien se meurt, ce n'est pas tant pour nous entraîner avec lui, que pour nous permettre de prendre en marche le train de notre avenir. Et nous serions prêts à refuser cette chance opportune qui s'offre à nous, de peur de perdre la sécurité illusoire qu'on se convainc d'avoir laborieusement acquise?

Je ne nous comprends définitivement pas. Attendre la chute plutôt que de se prendre en main pour atterrir en douceur et trouver peut être enfin le chemin du bonheur? J'aimerai conserver ma naïveté pacifiste lors de l'effondrement du fébrile château de carte édifié en société afin de croire que malgré ses contorsions, une telle société pourra toujours nous protéger. N'avons-nous pas encore conscience d'à quel point le temps est désormais compté? La minuterie de la bombe a été déclenchée et on entend le tic tac des secondes qui s'égrainent et annoncent l'imminence de l'explosion. Je ressens bien ce marasme qui nous colle. On a choisi de regarder le monde de manière à n'en retenir que le mauvais. On étudie bien les guerres plutôt que les histoires d'amour de ceux qui ont fait l'histoire. Si bien qu'on parvient à oublier qu'ils ont été des êtres humains.

Ca vous paraît anormal que je râle autant? Le marasme généralisé, moi, je ne veux pas qu'il m'accompagne, qu'il devienne la seule béquille qui soutienne la vacuité de la vie que nous n'avons plus. Notre quête insatiable de sécurité aseptise notre réalité. Renoncer au monde pour ne pas se mettre en danger, le regarder à travers sa télé, à l'intérieur de son bunker fermé à clef, c'est comme se tirer une balle dans le pied. Qu'avons nous donc tant peur de perdre pour s'accrocher autant à cette illusoire sécurité?

Comment faisons nous pour refuser de voir que tout ça n'a jamais vraiment existé? On nous l'a seulement fait croire. Croire en sa probabilité. Mais lorsque nous nous retrouvons réellement en détresse, lorsque nous avons besoin de l'aide de la société, nous voyons bien les limites que rencontrent celles-ci pour répondre favorablement au diktat sécuritaire. Qui pour m'épauler si je suis réellement en galère? Quelles solutions la société instituée nous propose t-elle? Quelles orientations si ce n'est celle qui malmène notre liberté? L'espoir qu'elle nous offre a le goût amer de l'illusion, en s'égarant sur les chemins de traverse du divertissement. La réalité pailletée à laquelle on adhère par procuration nous permet d'oublier la vacuité de la vie dans laquelle nous vivons. Il devient urgent d'abandonner l'artifice de l'espoir de réussite dans une société qui refuse de voir les choses telles qu'elles sont pour se concentrer sur un espoir qui révèlerait bien plutôt notre intime créativité individuelle pour la transformer en atout collectif.Réussir, ce n'est pas briller dehors mais briller dedans!

Il est vrai qu'il est bien plus facile de s'associer pour revendiquer des futilités que pour construire ensemble une autre édifice avec la conscience que le risque est ce qui permet aussi de nous faire évoluer. Il est grand temps de changer.

Publié dans Expansion

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