Le Dieu des athées

Publié le par Fée tes valises :D

Le Dieu des athées

Il n'était pas prévu que je rentre si tard, je comptais rentrer juste après le concert et puis improbablement, je me suis retrouvée chez Jo. On se connait seulement de vue, pour vivre dans le même village depuis un bon moment, mais l'occasion de se rencontrer n'était jamais arrivée. Ce soir, ce n'est plus vrai. Je n'aurais pas soupçonné qu'on puisse autant discuté échangé de pensées, de façon de voir le monde... et avoir autant de points communs intellectuels, philosophiques et spirituels!

Avant ce soir, nous ne nous connaissions pas et il est assez rare que dès la première fois, je me livre à ce point, je suis d'ordinaire méfiante à l'idée de divulguer sans retenue mes pensées, mes troubles, mes interrogations. Et mutuellement, nous nous sommes apporter d'autres façons de voir les choses. Il est rare que je puisse avoir, sur la durée, ce genre de discussion réciproque. J'ai apprécié sentir stimuler mes neurones!

On se rejoint sur pas mal de points avec Jo, mais notre toile de fond culturelle ne nous positionne pas de la même manière dans notre façon de les interpréter. Jo se dit croyante, alors que je me revendique athée! Viscéralement Athée. Pour les rares d'entre vous qui suivraient mon blog, vous ne pouvez pas ignorer ce fait, par le ton de certains de mes articles, ma mécréance est évidente! Je suis autant athée que ce que je respire de l'oxygène, ça doit même être incrusté dans mon adn: une lignée au moins agnostique, certainement! Et pour Jo, Dieu est une évidence, elle l'a éprouvée.

Pour une athée de ma trempe, ça paraît tellement surréaliste, de tenir depuis des heures la conversation avec elle, de se suivre sur la distance et qu'elle m'annonce qu'elle croit en Dieu avec conviction! Ben merde. On a pourtant réussi à avoir une vraie conversation en considérant chacune le point de vue de l'autre. Tout est une question de culture, du bain dans lequel on a baigné. Il n'empêche que nous avons pu éprouver notre tolérance en les croyances de l'autre, sans chercher à lui prouver qu'il se trompe. Non! Parce qu'au delà de tout ça, au delà de nos différences de conception, nous disons exactement la même chose, si bien que s'en est troublant. Et à tel point que ça mérite attention.

Lorsque Jo me raconte la façon dont elle voit les choses, elle met Dieu là où je ne mets rien. Elle a une conception chrétienne, teintée de judaïsme. Alors que moi, j'ai l'impression que ma connexion est directe et que ce n'est pas Dieu la source. Aucun Dieu comme on l'entend, car je ne suis qu'une forme de ses expressions. Pour moi, Dieu ne peut pas être en dehors, il est en dedans. Il est ma création. Et dehors il y a "le réseau" interconnecté de tout le reste, qui s'interpénètre avec ma divinité intérieure. Et même si c'est dehors, c'est également en partie dedans.

Jo me parle de prières, de demandes de l'aide divine lorsqu'on en a besoin. Elle me parle d'alignement, de connexion, de vibrations, de liens... Est-il possible qu'elle puisse décrire sous cette appellation de Dieu ce que je ressens moi-même en défendant avec conviction mon athéisme et ma propre connexion? Mes oreilles se ferment systématiquement et depuis toujours lorsqu'on évoque la religion alors que la spiritualité m'impose de me poser des questions. Je refuse viscéralement les dogmes, j'ai besoin de gravir pas à pas et par moi-même les marches de l'escalier de la foi. Je n'ai pas besoin de croire, j'ai besoin de preuves, de raisons et de dépassement. Dieu, pour le moment en tout cas, n'est pas encore mon problème, mes limites ne sont pas encore atteintes. Je m'ai déjà moi-même et dans mon l'intérieur se tapissent, bien cachées, toutes mes solutions. Je n'ai pas besoin de chemin tout tracé à l'avance, qui me mâche le travail de réflexion, d'intériorisation et d'élévation personnelle, je veux défricher les ronces qui me retiennent loin de mon destin... celui dans lequel je parviens à m'unifier, à m'aligner dans l'axe de la cosmologie du monde. Comme si Dieu pouvait me l'apporter sans que je fasse un quelconque effort?

Bien plus que par Dieu, je suis fascinée par l'Homme. Cet être grouillant dans l'immensité de l'univers tel un vermisseau qu'on tient pas le bout de la queue, la tête dans le vide. Il gesticule nerveusement pour se retourner et contempler l'espace cosmique, cesser de grouiller pour se diriger enfin, guidée par l'imprégnation de l'instant présent! L'Homme qui cherche les réponses devant son abyssale ignorance, sa perte de connexion et les limites de sa conscience. Il a perdu sa mémoire cellulaire et en conserve le manque. L'évolution de son être connaît d'avance toutes les réponses, mais l'être est enchainé aux habitudes, aux certitudes, qui empêchent l'homme de se regarder face à son immense pouvoir de création et de participation du monde, dans toutes ses dimensions.

Paradoxalement, l'Homme a bien moins de limites que Dieu! Il est le créateur en puissance, l'observateur qui modifie le monde. Dieu face à ça ne peut rien. L'Homme a la liberté suprême de se soumettre lui-même à sa propre domination! Il peut poser Dieu comme frontière, empêchant la libre circulation des hommes vers les confins de l'univers. Il faudrait soumettre aux hommes modernes un référendum pour qu'on adapte les accords de Schengen du monde multidimensionnel.

L'Athée, en moi immortelle, raisonne comme ça: Dieu n'est qu'un curseur humain car on sait bien qu'il y a un voile et qu'on ne peut pas regarder derrière. Dieu devrait pouvoir me protéger de la peur effroyable de ma petitesse et de mon ignorance de notre univers. Et moi, ça ne m'angoisse pas, ça me rassure au contraire de savoir que l'infini domine, et que la fin n'existe pas! Ma tête, comme la terre, n'est pas prête d'arrêter de tourner.

Publié dans Rébellion

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article