Les chaussettes sales peuvent rayonner

Publié le par Fée tes valises :D

Les chaussettes sales peuvent rayonner

Il est là... je l'ai retrouvé! Et je crois que je vais avoir du mal à le laisser à nouveau s'échapper. Non, pas moyen. Je sais ce qu'il en coûte de le perdre une fois qu'on en a pris l'habitude, qu'on s'est accoutumé à sa présence. Bien pire qu'un déchirement, il reste à effectuer cette interminable traversée du désert! Et d'ailleurs je reste sur mes gardes, je déclame ma joie mais, je n'ose pas trop crier victoire trop vite, trop loin, trop fort. Mon blog finalement est assez intime pour garder bien des secrets...

Un secret qui d'ailleurs n'en est pas un... qui n'a pas remarqué, n'a pas été au courant de la fin de mon rayonnement? On ne peut pas dire que ce soit le genre de chose discrète quand soudain la vie qui vous anime vous abandonne comme une vieille paire de chaussettes, déformées, avachies, sans l'ossature des pieds pour les soutenir! Deux petits tas puants agonisant sur la moquette, attendant patiemment qu'on mette fin à leur supplice. Deux petits tas rassemblés en un seul et balargué sans aucun ménagement dans le tambour d'une gigantesque machine à laver mise en marche... juste pour cette paire de chaussettes réunies! Je vous dis même pas le nettoyage en profondeur pour ces deux petits morceaux de cotons tissés qui sont bourlingués de tout côté, secoués de haut en bas dans un mouvement rotatif à grande vitesse afin d'extraire la crasse incrustée en profondeur dans les fibres... S'il n'était resté qu'une once de rayonnement à l'intérieur de ce petit tas informe, il aurait été englouti au lavage, détrempé par les litres d'eau qui déferlent derrière le hublot. Pchtttt, fait le bruit de la flammèche qui s'éteint! Tsunami interminable sous des torrents de larmes, à délaver les couleurs flamboyantes qui faisaient l'originalité de ces bouts de tissus. Chaussettes mouillées, visage bouffi, yeux boursoufflés, la figure livide d'un mort noyé!

Et pour cause. Le désert n'est pas celui qu'on croit, un immense entendue aride, sur laquelle rien ne pousse, dans laquelle les hommes ne vivent pas! Il y a des hommes qui y vivent, d'autres comme moi qui y transitent, mais le désert n'est pas si aride qu'on s'est plu à le croire, il y a des déserts aussi mouillés que la mer! Des déserts qui ne sont pas constitués que de sable parce que les traces ne s'effacent pas et qu'on perd son chemin à tourner en rond sur ses pas! Il y a des déserts qui voient germer les ronces, qui s'agrippent à mon âme et veulent la retenir là. Et moi qui aspire à ces vertes forêts, à ces espaces de nature préservée, mon rêve s'effiloche. Comme une anti Pénélope, je tisse mon canevas la nuit et le déficelle le jour. Car le jour éblouit souvent beaucoup, et dans le désert, abondent les mirages surgissant des vapeurs dégagées par la chaleur. C'est le jour que je marche, alors la nuit, lorsque je m'assieds enfin auprès du petit feu, il me faut tisser, le plus adroitement possible, à m'user les yeux, afin que le canevas puisse révéler au mieux l'histoire qui y est potentiellement cachée. Quel que soit le temps que ça prenne, je ne veux pas bâcler, et peu importe si chaque jour je dois le défaire, la nuit suivante je recommencerais et à force de persévérance, je mémoriserais chacun de mes gestes pour tous les reproduire en une seule nuit et ne pas avoir, au matin, à le détisser. Que le jour et la nuit puissent fusionner en une seule vérité! Si ça pouvait raviver ma petite flamme, me rendre ce rayonnement que l'on convoite tant....

Je me rends compte que je suis toujours la frontière entre chaque dualité, et que de cette position, ma réalité englobe chacune des faces simultanément, comme si j'étais un curseur capable de me déplacer sur une barre dont les extrémités opposent ces états duals: chaud/froid, long/court, haut/bas... Et à la frontière de mon désert, je comprends que celui ci puisse être sec et mouillé à la fois! Un peu sec ou beaucoup, ça dépend de l'état de ma conscience au moment où je regarde... et dans le sec, le mouillé est implicitement compris. Et moi, je peux me faire aspiré de l'un à l'autre, loin de l'équilibre, loin de mon rayonnement. Car lorsque je suis en place, au bon endroit avec ma conscience, que je m'aligne sur moi même et sur l'univers en même temps, alors, je sens bien que la lumière m'habite entièrement! Si je dévie, si je balance, sans éprouver cette pleine totalité en même temps, il est clair que je m'enfonce dans l'aveuglement quelques instants et je me sens tourner comme une girouette, comme dans le tambour de la machine à laver dans laquelle je suis enfermée plus haut!

Mais malgré tout, du fait d'avoir acquis cette conscience, du fait de comprendre que tout dépend de la position dans laquelle je me situe, même si le tambour tourne à toute vitesse, je n'en sors plus complétement trempée, j'ai appris nager et j'arrive à garder autant que possible la tête hors de l'eau savonneuse. Je peux avoir une analyse froide de ce qui se passe, ma flamme se ravive, je ne redoute sans doute plus autant la chaleur: avec un cœur de glace, je devais tellement avoir peur de fondre! Je ne redoute ni le froid ni le chaud et ai compris qu'il dépend de moi de me caler à la bonne température, celle qui me permet à chaque instant de rayonner.

Oh oui, comme je m'en délecte, je n'ai besoin de rien d'autre à présent. La douceur de la caresse de l'abandon à cette résistance, celle qui me contraignait de comprendre, est en fait si agréable et maintenant que je sais, je n'ai plus besoin de grand chose, je suis parvenue à me suffire à moi même et ne plus réellement attendre que le moment vienne. Le moment est seulement déjà là depuis toujours en suspens, il n'attendait que ce que je le cueille et que je me délecte du nectar de son jus savoureux! Son fruit pend encore un peu haut et je manque de détente pour être sûre de l'attraper à chaque saut, mais je m'entraîne à dynamiser les muscles de mes jambes pour améliorer ma détente et être assurée de le saisir dès que je passe sous les branches de ses probabilités.

Ce n'est pas encore vrai tous les jours, ma flamme se renforce, elle a retrouvé assez d'oxygène pour se réanimer, j'avais seulement oublié que l'air en était plein! Mes cellules cyanosées doivent seulement se remettre de l'asphyxie qu'elles avaient du subir durant tout ce temps, de l'apnée interminable que je leur avais imposées dans le désert bien trop mouillé! Le rayonnement n'est pas encore constant même si je crois que je me rapproche doucement de l'équilibre sur la barre de mes états. Quand la flamme sera assurée de ne plus vaciller, quand elle deviendra aussi brillante et chaude que le soleil, alors le rayonnement sera perpétuel. Il commence à me tarder d'être inondée de lumière après ce trop long séjour dans les ténèbres. J'ai déjà la bienveillance avec moi, le rayonnement sera la consécration! Et la réalité pliera!

Publié dans Déchetterie

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