Indicibles

Publié le par Fée tes valises :D

Indicibles

Il y a trop longtemps que je sens dans ma bouche ma langue qui gonfle. Elle enfle de tous les non dits imposés par le poids du silence, de tous les mensonges que mes lèvres n’ont pas su faire taire, et de n’avoir crevé aucun des abcès malgré le temps qui continue de passer.

J’ai maintes fois tenté d’exprimer l’indicible, de dire les mots pour que s’apaisent mes maux et tandis qu’ils s’écoulent en cascade dans le vide, ils gardent pour eux le cri qui les auraient mués en un chant de sirènes, pour attirer jusqu’à mes rochers les marins égarés ! Mais même s’ils s’approchent, ma voix ne siffle aucune mélodie harmonieuse, elle s’enroue et se noie dans ma sombre détresse, à travers le flot de ces paroles qui ne signifient rien.

Je hurle en silence, enfermée dans ma cellule capitonnée, les sons s’écrasent sur les murs en d’innombrables graffitis illisibles que personne ne comprend… Et malgré ma camisole, je déploie mes ailes et m’envole au loin.

Le passé a toujours été le présent de ce futur, je m’en rends compte à mesure, les mots ne s’effacent pas, ils ont gravé au scalpel une marque éternelle, toute une vie à panser mon âme cicatricielle. Et même si je l’arrache, elle revient, elle s’enracine et me retient, que je vole n’y change rien.

Inlassablement, l’univers conspire à me ramener ici, au dessus de ce monde où se déroule ma vie, en même temps que le tapis rouge de son mensonge. J’ai été condamnée à devoir l’expier, à céder à ma folie la plus complète, pour pouvoir m’en libérer. Cette vérité, sourde et muette, infecte ma langue, elle lui impose de gonfler jusqu’à l’infini, pour attraper les mots qui expriment avec justesse l’abîme creusé par la détresse de tout ce qui n’a pu être dit. Peut être que les mots ne suffisent plus, ils ont brulé tout l’oxygène et se sont essoufflés, asphyxiés par manque d’air.

Je suffoque sous l’effroyable quantité d’encre qui a noirci toutes ces pages, ces kilomètres parcourus à la sueur de mes doigts sans que je n’avance d’un pas, sans que les maux ne guérissent. Je tourne en rond dans ma cage dorée dont les barreaux se sont oxydés.

Témoins de la vérité, vous savez ce que les mots cachent, inconscients de leur importance, vous n’imaginez pas qu’ils recèlent la clé de ma liberté. Tant que les silences résonnent le mensonge, qu’ils peuvent occulter les résidus de toutes nos mémoires, je suis encore bien incapable de prendre mon courage à deux mains pour lever le voile qui camoufle le réel.

Derrière, plus besoin de courage, l’évidence se mêle à l’univers, je n’ai fait que respecter le silence qu’imposait ce moment solennel. Non, il n’y a rien à dire, rien qui ne puisse autant sublimer ce que recèlent nos âmes, sinon à ternir de nos mots mal posés les intentions les plus pures. Il faut certainement comprendre que le silence nous protège de tous les mots par lesquels s’entretiennent nos maux !

Publié dans Poésie

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