Maladive garde à vue...

Publié le par Fée tes valises :D

Maladive garde à vue...

Ma fille est malade... comme une bénédiction, je resterais à la maison. Oh rien de grave, la rhino, de la fièvre, une petite otite, je m'occupe d'elle, elle se repose et demain elle serait certainement sur pieds! Moi, sa mère, j'en profite pour me reposer aussi.

Cette société de débiles qu'on s'est crée, je vous le dis. C'est toujours les matins comme ça qu'on s'en rend compte, lorsque vous savez que vous ne pourrez pas, pour une raison quelconque, vous rendre au travail, que vous devez appeler le chef ou la DRH pour prévenir de votre absence de ce jour. Combien d'entre nous peuvent le faire réellement à "loisir"? Moi je sais que j'ai de la chance, je dispose de six jours pour enfants malades et quelques autres de ci de là, au bon vouloir de mon supérieur. Elle est humaine ma chef, elle comprend que la vie des gens ne se traverse pas sans heurt. Je ne sais pas si j'abuse de son humanité, quoi qu'il en soit, je suis bien contente de rester chez moi. Je sais que pour beaucoup d'entre vous c'est plus compliqué, je vous imagine, des matins comme ceux là, écrasé par le tiraillement entre votre enfant malade qu'il faudrait garder à la maison et votre obligation d'assurer vos fonctions, sans possibilité de trouver dans l'urgence matinale une solution de secours.

Inconscients que nous sommes d'avoir quitté notre nature sauvage pour se domestiquer de manière à ce que notre vie devienne moins cruelle et moins dure. On se dit civilisé, on parle de progrès, mais regardez nous... cette civilisation post moderne, post humaine qui impose à un parent de délaisser son enfant malade pour aller travailler. Comme s'il était toujours question de survie, comme si le travail s'apparentait à la chasse et à la lutte pour la survie. Quand je pense à tous ces magasins qui croulent de bouffe, qui gaspillent et qui jettent, qui détruisent plutôt que d'offrir les denrées pas encore périmées... et moi, et vous, qui nous levons le matin pour aller chasser de quoi à s'offrir à manger?

On devait mettre en place quelque chose, une structure qui nous protège, qui nous assure la sécurité, le gîte et le couvert, on s'est engagé pour ça, et c'est pour ça qu'on est redevable, uniquement pour ça, ne l'oubliez pas. Sinon, pourquoi?

Dans ma grotte préhistorique, si mon enfant était assez fort pour survivre, on le gardait au chaud. Si les parents ne pouvaient pas s'en occuper, parce qu'ils étaient partis assurer la pitance de la communauté, il le confiait à la garde de ceux qui ne partaient pas à la conquête des étalages sauvages généreusement produits par la nature. Le chamane de la tribu veillait en concoctant onguent et potions à partir de plantes et de restes d'animaux, on savait sa progéniture entre de bonnes mains. On avait troqué l'inconfort des temps préhistoriques contre la sécurité garantie aux aléas de la vie... Vous vous sentez en sécurité vous?

Allé, contre le froid, la pluie et le vent passe encore, on a des habits chauds, des maisons isolées avec chauffage central et double vitrage! Contre les animaux, les fauves, les virus, les bactéries on peut faire quelque chose. Mais contre nous les hommes? Contre notre bêtise, notre inconscience, contre notre étroitesse de vue en se pensant si grand? Je ne suis pas sûre qu'on puisse s'en défendre. Pour ça, on a mis la police. Elle ne nous protège normalement ni des éléments, ni des animaux, même si on l'appelle parfois en renfort des équipes d'interventions spécialisées, même si c'est bien plus pour assurer la sécurité des hommes. La police c'est de l'homme qu'elle est censée nous protéger de l'homme contre l'homme et de l'homme contre lui même. Parce que figurez vous que oui, on est aussi un danger pour soi même avec notre goût pour l'exploration, les découvertes et les remises en question. Encore faudrait-il que la police ne soit pas humaine! Parce que l'homme derrière le policier, il risque toujours de sombrer dans un des innombrables travers humains.

On a bien essayé de pallier à cette carence humaine... des flics bio-ioniques, des supercops dopés aux programmes numériques, la machine décrypte le monde expurgé de toute subjectivité. On devrait parvenir un jour à la justice idéale! Sauf que justement le problème, c'est ce dénuement d'humanité. Hop, tout le monde dans le même panier, jamais de circonstances atténuantes, jamais de possibilité de discuter l'autorité.

On a essayé d'une autre manière, par exemple, en dressant des chiens policiers... Le truc, encore une fois, c'est qu'ils sont dressés par l'homme. Ça risque d'être difficile de les enjoindre à faire preuve d'une quelconque objectivité. Le chien est parait-il le meilleur ami de l'homme, un des plus simple à dresser. Fidèle et soumis dit-on, pour avoir la panse bien remplie... S'il suffisait de nourrir un flic pour lui assurer le discernement, je me baladerais toujours avec une boîte de sucre dans ma poche. Assurer ma sécurité comme ça, en distribuant des douceurs... ma foi quoi pas, c'est pas pire que des pots de vin.

C'est finalement assez drôle comme dans une société comme la notre, il sera bientôt plus facile d'obtenir des arrêts de travail pour garde à vue que pour enfant malade. Si vous n'avez pas d'autres solutions que de le laisser seul à la maison par exemple, parce que votre patron ne fait pas dans la tolérance. Un voisin toujours bien intentionné, qui entendra votre enfant crier et plutôt que de vous avoir dépanné, sera sans doute inquiet que vous ne soyez momifié dans votre appartement. Avec bienveillance, il composera le numéro des pompiers pour qu'ils viennent vérifier que l'enfant n'est pas en détresse. Mais lorsqu'ils constateront qu'au lieu d'un cadavre tout sec, le parent est absent, il sera convoqué au commissariat de plus proche pour répondre de l'accusation de délaissement de mineur de 15 ans... pas le patron qui du fait de l’inexistence de convention collective dans l'entreprise ne prévoit pas d'octroyer des jours pour garde d'enfants... pas notre Etat, qui normalement fonderait son existence sur des moments comme ceux là... le besoin d'assistance à ces citoyens, ceux qui sont malades et dans le besoin. A moins qu'il n'en conçoive certains comme des citoyens de seconde zone, qui ne valent pas la peine qu'on les protège autant que les autres.Vous savez bien que même en son sein les enfants de la République n'ont pas de valeur identique: ceux de mon chef pèsent plus que les miens, la prime qu'on leur accorde en ce sens le démontre bien! Et si mon chef n'était pas humain, on constaterait à quel point ma fille ne vaut rien...

Publié dans Rébellion

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